Lecomte et Clément-Thomas





D'abord, ne pas oublier qu'à l'heure des assassinats (vers 16h30), Thiers est déjà parti et a fait évacuer les forts. 

Qu'à Belleville / Buttes Chaumont, il s'est passé la même chose (pas d'attelages, tension grandissante. Sans morts. Ignoré.

Que le général Lecomte a probablement refusé de faire tirer (voir Poussargue). Les Versaillais lui reprocheront son absence de violence. (je le précise ici car trop méconnu)

Qu'il a été abandonné par Vinoy.

Qu'il a été a priori tué par ses propres soldats (balles de l'amée). 


A cause de l'arrivée inopportune de Clément-Thomas qui n'avait rien à faire là (n'était plus commandant de la garde nationale), les gardes nationaux qui protégeaient Lecomte ont été débordés. 

Les autres prisonniers seront relâchés. 


Le CCGN à qui le crime sera imputé par les escrocs n'a rien à y voir . Mais son absence a compté.

Évidemment pas de cour martiale comme dans le télégramme reçu par Ferry. Ni une exécution ordonnée comme sur le montage photographique de l'autre tocard (ou du film soviétique). 


Impact sur tout le monde. Jusqu'à Vallès (révélant si besoin est son humanité : alors que c'est supposément le Grand Soir tant attendu, le 18 mars au soir, Vallès est prostré, en partie profondément affecté par les assassinats de Lecomte et C-T). 


Dans un documentaire "subtilement"* calomniateur de 2023 intitulé "Les héritiers de la Commune", Lecomte est qualifié de "Versaillais". S'il y a bien une chose que Lecomte n'a pas été, c'est Versaillais. L'armée de Paris du 18 mars était composée de soldats qui avaient gardé les armes pendant la guerre, seuls autorisés par les Allemands. Les Versaillais sont évidemment postérieurs au 18 mars, et furent composés de prisonniers libérés par les Allemands pour l'occasion. 
* je dis subtilement car il m'étonnerait qu'Arte, le diffuseur, ait eu conscience du caractère de ce documentaire, ce qui signifie qu'il est possible de ne pas s'en rendre compte. Je mets des guillemets car ce n'est pas du tout subtil en réalité; propagande conservatrice grossière et désolante. Lecomte "Versaillais" est une approximation / caricature bâclée, à l'instar de tout le documentaire.


Le général Lecomte a été a priori tué par ses propres soldats. 
Si le 18 mars, il y a eu une insurrection, c'est de l'armée. 
Par l'absence de violence, cela a un peu contrecarré le plan de Thiers, mais la pilule est quand même passée. 
Si l'on devait donner un caractère à cette journée, au delà du crime de Thiers d'enclencher volontairement les conditions de la semaine sanglante envers une population exsangue, ce serait la fraternité. 
Ce n'est pas assez pris en compte pour différentes raisons. Les soldats réfractaires du 18 mars ont connu par la suite les exactions les plus brutales de la part des Versaillais (dès avril). D'une certaine manière, ils sont un peu l'inverse des pseudo-révolutionnaires jouant aux militaires. 


Quelques documents. 


Il est vraiment difficile de trouver des récits pertinents. Il y a toujours, à un moment ou un autre, un élément confus. 

Peut être un peu Vuillaume. Mais voyons le témoignage de Beugnot (division 15) dans le journal Le Soir, qu'évoque Da Costa



Beugnot dans le journal Le Soir 

Pas encore harmonisé avec la rhétorique qui suivra. Insiste sur l'absence du Comité central. Si l'on oublie ses fantasmes, révélateur du fait qu'on l'ait protégé. 

Le 18 mars, le capitaine Beugnot (fils de Jacques Claude) officier d'ordonnance du ministre de la guerre Le Flo, est fait prisonnier avec Lecomte à Montmartre.


le soir du 27 mars 1871, 4e page bas 2e colonne UNE PAGE D'HISTOIRE

  https://www.retronews.fr/journal/le-soir/27-mars-1871/1199/3542113/4
aussi https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54973776/f43.item

Récit de la journée du 18 mars sur 6 colonnes, écrit par Beugnot le 23 mars



La question de commander les tirs.

Gazette des tribunaux : journal de jurisprudence et des débats judiciaires
6e conseil de guerre audience du 8novembre (commence p2) ASSASSINAT ET COMPLICITÉ D'ASSASSINAT DES GÉNÉRAUX CLÉMENT-THOMAS ET LECOMTE. — VOL ET COMPLICITÉ DE VOL AVEC EFFRACTION. — VINGT-SEPT ACCUSÉS.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k68033678/f3

9 novembre 1871 page  3, le témoignage de Poussargue commence aux deux tiers de la première colonne (transition un peu bizarre de la 3e à la 1ere personne. 
Poussargue = Pousargues
Evidemment, la version que l'on trouve par ailleurs (exemple Beugnot) de Poussargue venu volontairement s’enquérir du sort de Lecomte est absurde. 
Il y a d'autres endroits évoquant le fait que Lecomte n'ait pas commandé de tirer (toujours sous forme de reproches), il faut que je les retrouve.
(Ici,  Le Dossier de la Commune devant les conseils de guerre, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5627262z/f211.item, Rapport. Audience du novembre 1871, mais aussi ailleurs). 



Clément-Thomas.


Le général Clément-Thomas n'avait rien à faire là, n'était plus commandant de la garde nationale. Son arrivée rue des Rosiers a débordé les gardes nationaux qui protégeaient les prisonniers. 

André Gill et Philippe-Auguste Cattelain ont été témoins de son arrestation. 

Gill - Vingt années de Paris p101
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k208026j/f121.item


Cattelain  - Mémoires inédits du chef de la sûreté sous la Commune p42

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bd6t53324830/f54.item


On ignore qui a tué Clément-Thomas. 

Les griefs potentiels à son égard étaient nombreux. Républicain conservateur, il avait reçu le commandement de la garde nationale après le 15 mai 1848, après le 31 octobre 1870, lors de réactions conservatrices. Commandait la garde nationale lors de la bataille de Buzenval en janvier 1871. 

Lors de "l'enquête parlementaire", Ernest Picard, alors ministre l'Intérieur, incrimine bizarrement des bonapartistes. 



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Leur(s) sépulture(s). 


Au cimetière du Père-Lachaise, je fais la distinction entre le monument à caractère propagandiste et la véritable sépulture contenant les restes de deux personnes qui n'ont rien demandé, et rien à faire ensemble. 


En mars 1871, ils avaient été provisoirement enterrés ensemble dans un caveau provisoire municipal du cimetière Saint-Vincent à Montmartre, dans l'attente d'être rendus à leurs familles. 


L'un des dessinateurs du Monde Illustré s'y était rendu et avait fait un croquis sur place. 

La légende est "Paris. Le tombeau provisoire des généraux Clément Thomas et Lecomte au cimetière Saint-Vincent, à Montmartre. (D'apès nature, par M. Vierge.)


Texte du Monde Illustré du 8 avril 1871, p16

Ce caveau, de forme quadrangulaire, est recouvert d'une large pierre tombale sur laquelle ne se lit aucune inscription. Depuis le jour où les généraux Clément Thomas et Lecomte y reposent, deux bouquets de fleurs, non encore fanées, ont été placés sur cette dalle. Dans la crainte que le vent n'emporte ces fleurs, une main pieuse, autant que courageuse, a mis une pierre sur leurs tiges brisées.
Ces quelques violettes, mêlées d'immortelles, semblent une protestation muette contre les tristes égorgements de nos luttes fratricides. 
(...)
Depuis leur inhumation sommaire la nuit du 19 mars (non, ils sont inhumé le 21 mars selon le registre du cimetière ;  exhumés le 16 décembre 1875 pour le Père-Lachaise), les corps de Clément Thomas et de Lecomte ont été placés dans des cercueils de plomb. En espérant la paix du tombeau, ils attendent là que le calme soit rendu à la cité. 


Ils ont été inhumés correctement dans un caveau provisoire de la ville, sur lequel on a placé des fleurs en s'assurant qu'elles ne soient pas emportées par le vent, et que personne n'a eu l'idée d'enlever. Le respect. 


Le texte ressemble au procédé de leurs illustrations : une première personne va sur place, dessine fidèlement le lieu, puis une seconde (ou la même) rajoute arbitrairement des personnages  (voir combats du 27 mai au Père-Lachaise, coin sud-est du cimetière)


Le texte ajoute la notion de "courage" (et piété) aux personnes qui ont mis ces fleurs. 


Le dessin ajoute des personnages, deux femmes en habits de deuil, l'une pose ces fleurs et l'autre en pleurs. 


Témoigne de deux choses : le respect accordé à leurs dépouilles, et l'art de le calomnier. 


Le Monde Illustré du 8 avril 1871, dernière page (p16)

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62235887/f16.item


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