I


Le 18 mars


De Bordeaux à Versailles.

Bulletin des lois, mars 1871.   https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k210059r/f87.image

N° 342 : 10 mars - transfert à Versailles
N° 343 : 21 mars - département de Seine et Oise (Versailles) en état de siège.



Journal officiel du 13 mars - séance du 10 mars

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6430422z/f3.item.zoom

3e page 4e colonne – jusqu'à p6 (p6 condamnations 31 octobre voir Vallès)

REPRISE DE LA SÉANCE (A trois heures trois quarts) ordre du jour translation du siège de l'Assemblée



Thiers - enquête parlementaire T2 p 9

On m'avait parlé de Fontainebleau comme d'une ville où l'Assemblée nationale pourrait siéger en sûreté. Je fis observer que nous serions séparés par quinze lieues, et, par toute l'épaisseur de Paris, de la position de Versailles, la seule vraiment militaire; que si les réserves chargées de garder l'Assemblée étaient obligées de partir de Fontainebleau pour se rendre au lieu du combat, la distance serait bien grande, et la position des plus mauvaises, qu'il fallait aller à Versailles même, et, de là, tâcher de rester maître de Paris. Cet avis prévalut auprès de l'Assemblée, et nous vînmes en effet nous placer à Versailles.



Quelques jours après le 10 mars, la date du lundi 20 est arrêtée.

Le Samedi 18 mars 1871, tout le monde s’apprête à aller à Versailles.


Le Temps du samedi 18 mars :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2245978


Paris, 17 mars. Bulletin du jour.
Nous manquons presque absolument de nouvelles aujourd'hui. Entre la fin de la session de Bordeaux et l'ouverture de celle de Versailles qui demeure fixée à lundi prochain, notre politique intérieure subit une sorte de suspension, et les nouvelles de l'étranger sont également à peu près nulles.




15 marsValentin


Le mercredi 15 mars, Thiers arrive à Paris.

Le général Valentin est nommé préfet de police. ( protagoniste de la réunion du 17 mars, participe à l’abandon de Paris le 18, évacue la préfecture que Duval trouvera déserte le 18 au soir.)


JO du 16 (1ere page début première colonne)

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64304256/f1.item

Par arrêté du président du conseil (Thiers), chef du pouvoir exécutif de la République française, en date du 15 mars, le général Valentin, détaché momentanément de l'état-major général, est délégué pour exercer les fonctions de préfet de police.



Le temps du 17 mars (1ere page 2e colonne)

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7322760/f1.item

On se plaignait de l'absence d'un préfet de police; nous en avons un, mais par intérim seulement, si nous avons bien compris le journal officiel ; c'est M. le général Valentin, ex-colonel de la garde de Paris sous l'empire, promu général de brigade par M. Trochu. A l'époque où les fameuses "blouses blanches" de M. Pietri vouaient faire croire à Paris qu'il était en insurrection, le colonel Valentin se distingua par une certaine énergie contre la foule qui regardait tranquillement tomber les kiosques sous les coups des insurgés payés par la préfecture de police. Nous ne voulons pas dire que M. le général Valentin ait dû à ces souvenirs d'être appelé aux fonctions de préfet de police; mais il nous est pénible de voir le gouvernement de la république confier un poste si important à un homme qui ne saurait exercer une grande autorité morale sur Paris, en raison même de son passé, et qui, de plus, est général.



16 mars – Place des Vosges


La place des Vosges le 16 mars est un prérequis pour la question de la préméditation de l'absence d'attelages le 18.


Choppin – ancien préfet de police

Enquête parlementaire T2 p115
https://archive.org/details/enquteparlement02marsgoog/page/115/mode/2up


Une autre fois je sus à la Préfecture de police, par un magistrat, que les bataillons réunis place des Vosges, étaient fâchés du rôle qu'on leur faisait jouer, et prêts à rendre les canons.
Je prévins l'état-major qui envoya les attelages. L'opération s'est faite comme toujours avec un peu de décousu. Les attelages sont arrivés; mais aussitôt que les gens du quartier virent les chevaux, une agitation très-vive se manifesta. Il y eut un commencement d'émeute, et on fut obligé de se retirer, parce que si l'on eût persisté, la bataille s'engageait.


Formule de façon floue les attelages.



Mortemart - chef d'état major du général d'Aurelle [garde nationale officielle].

Enquête Parlementaire T2 p454
https://archive.org/details/enquteparlement02marsgoog/page/454/mode/2up


(...) les officiers de la garde nationale, dont les bataillons étaient braves et loyaux, promirent de nous rendre ces canons. Il fut convenu avec le général d'Aurelle que nous en référerions au général Vinoy, ce qui eut lieu. Il fut décidé que l'on enverrait des attelages, un escadron ou deux de gendarmerie, et des gardes de Paris pour prêter main forte. Il fut convenu que nous ferions rendre à la garde nationale le terrain, sans nous expliquer sur les canons.
En effet, on est arrivé à la place des Vosges; on s'est rendu sur le terrain, on a pris possession de ce terrain ; mais malheureusement les attelages se trouvèrent en retard, les gardes de Paris, s'étaient trompés de route, et, quand on a été pour prendre les canons avec des attelages incomplets, les gardes nationaux du quartier ont fait sonner la générale et battre le rappel ; ils ont fait les cent coups pour empêcher cet enlèvement; toute la population s'en est mêlée; nous avons été littéralement entourés, enveloppés et empêchés dans l'exécution des ordres qui nous avaient été donnés.


Ce sont les mêmes éléments que le 18 mars, excepté que le 16, une raison est donnée (les gardes de Paris se sont trompés de route pour la place des Vosges…). Le 18 mars, cela arrivera à deux endroits simultanés (Belleville et Montmartre), aura les mêmes effets, servant de déclenchement à l'abandon de Paris, sans qu'aucune raison de ne soit donnée à ce retard.


Vinoy – commandant de l'armée de Paris

Enquête parlementaire T2 p98 1ere col
https://archive.org/details/enquteparlement02marsgoog/page/97/mode/2up

Une autre fois, un commandant avait promis de donner tous les canons qui se trouvaient à la place des Vosges. J'avais envoyé encore des attelages, et ils revinrent sans canons.
Avec le peu de troupes que j'avais, je ne pouvais tenter un combat par l'enlèvement de ces canons, je ne pouvais que tenter une surprise.


Oublie déjà (voir 18 mars) de mentionner le problème des attelages.

« Avec le peu de troupes que j'avais, je ne pouvais tenter un combat par l'enlèvement de ces canons, je ne pouvais que tenter une surprise. » Justement, le 16 mars place des Vosges avait montré qu'une déficience à l'endroit des attelages provoquerait l'altercation.

L'élément de surprise sera de commencer au petit matin, décision collégiale du 17 au soir.


Thiers déposition p35

​https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5438703x/f38


On se présenta de notre part à la place Royale ; on y arriva avec des attelages. Mais le parti violent qui, évidemment, l'avait emporté pendant la nuit, se comporta assez brutalement, et il dit à nos envoyés : « Que venez-vous faire ici? » Il renvoya nos attelages et nos officiers.
Ce dernier incident avait eu une grande publicité. On avait agi si ostensiblement, si arrogamment, que moi, qui hésitais à livrer le combat, je sentis qu'il n'y avait plus moyen de reculer, et qu'il fallait, à tout prix, essayer d'enlever cette artillerie.

Aucun problème pour les attelages.

Termes (violent, brutalement, arrogance). 

Comme pour Vinoy, si le 16 mars avait fait forte impression, alors la question de l'importance du retard des attelages aurait du être la préoccupation première (elle l'a été, mais à l'envers).

La dernière phrase est composée de divers mensonges : -« moi, qui hésitais à livrer le combat »,  - que le 16 mars l'ait décidé,    - « à tout prix ».


17 mars – Réunion Thiers, Valentin, Vinoy, Le Flo, Pothuau

Thiers – Vinoy.

- ccgn finalise ses statuts dans la nuit du 17-18. (ce pourquoi pas réactifs le 18 au matin)


Le déclenchement forcé d'une altercation : les attelages.


Pothuau, ministre de la marine

Enquête Parlementaire T2 pp510-511
https://archive.org/details/enquteparlement02marsgoog/page/510/mode/2up


On a pris alors des dispositions pour faire cette opération sur Belleville et sur Montmartre (1). Il a été convenu qu'elle aurait lieu par surprise et au point du jour, au moment, par conséquent, où il y avait encore peu de monde dans les rues et où les chances de collision étaient, par cela même, moins violables. (2)
On pouvait, en effet, en agissant ainsi, espérer que les habitants ne feraient qu'assister au départ des canons, n'étant pas suffisamment préparés à les défendre. Toutes les dispositions avaient été très-bien prises, elles avaient été résolues en conseil. Quant aux détails d'exécution, ils avaient été également bien préparés, dans une réunion de nuit, à laquelle j'assistais, entre le Ministre de la guerre le général Le Flô, le général Vinoy et le nouveau préfet de police (le général Valentin). (3)
L'exécution a-t-elle répondu aux instructions qui avaient été données? Non. Il y a eu un retard dans l'envoi des attelages; on prétend qu'il a été de deux ou trois heures ; je ne suis pas en mesure de l'affirmer, n'ayant pas été sur les lieux. (4)
Sans ce retard, les canons auraient-ils été enlevés? C'est possible. Voici ce que j'ai entendu dire : le mouvement tenté sur Montmartre (5) fut très-bien exécuté; on s'empara de la position sans coup férir ; nous eûmes les canons en notre pouvoir pendant assez longtemps; mais les attelages n'arrivant pas, les gardes nationaux se réunirent et finirent par se mêler avec la troupe, selon la tactique habituelle en pareil cas ; malheureusement, on ne les avait pas tenus à distance, comme on aurait dû le faire, et quand nos troupes se trouvèrent noyées au milieu de ce flot de population, dans lequel il y avait des femmes, des enfants, il était trop tard pour qu'elles pussent faire usage de leurs armes. Je ne saurais dire si les troupes ont été sur le terrain commandées avec une vigueur suffisante. Un grand nombre de nos soldats ne faisaient que d'arriver à Paris; les autres avaient été gâtés par le contact de la population et, au moment d'agir, ont mis la crosse en l’air. Il n'y a pas eu de lutte. Mais, quant aux ordres donnés, je me rappelle qu'ils étaient très énergiques, qu'on devait s'emparer des canons et au besoin ne pas hésiter à employer la force pour atteindre ce but. Je ne crois pas me tromper en disant que les instructions, données par le général en chef Vinoy, étaient très formelles et que ce n'est que par suite de cette circonstance fâcheuse du retard dans l'arrivée des attelages, que nos troupes ont fini par se démoraliser et par lever la crosse en l'air. (6)


1. il commence par Belleville (Buttes Chaumont) et Montmartre. Comme tous, négligera totalement Belleville par la suite (comme si l'événement était une singularité de Montmartre, alors qu'il y a eu les mêmes dysfonctionnements à Belleville.

2. stratégie du petit matin effectivement pertinente. Décision "collégiale" le 17 au soir.

3. ne donne pas le nom de Valentin. Valentin n'est pas interrogé par l’enquête parlementaire (mais les deux préfets d'avant (Cresson, Choppin)).

4. Aucune explication pour la raison principale. (Thiers "si toutefois il y a eu faute").

5. Ne pas oublier Belleville.

6. Instruction d'employer la force (/ajoutée aux attelages manquants : heurts assurés. Et pourtant, singularité de la journée: peu de violence.



le Flô, ministre de la guerre

p79
https://archive.org/details/enquteparlement02marsgoog/page/79/mode/2up

Je reviens sur ce que j'ai dit : Les principales causes de l'insuccès de cette journée furent donc le retard dans l'arrivée des attelages, le défaut de précision dans les ordres, et la faute très- grave qui fut commise de laisser les sacs dans les casernes.
Le soir, je rendis compte au conseil de ce que j'avais vu. Or, voici ce qui était arrivé. Les soldats s'étant emparés des buttes Montmartre, attendaient les attelages.



Thiers p37-38

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5438703x/f40

A trois heures, les troupes étaient sur pied, sortaient des casernes, et, à cinq heures, elles arrivaient au pied des hauteurs, qui furent enlevées avec une extrême promptitude. Malheureusement, il restait une opération très-difficile à exécuter, et qui ne fut pas aussi bien conduite que la première.
Un gouvernement qui se respecte doit partager les malheurs communs, et ne s'en prendre à personne lorsque le succès n'a pas toujours couronné ses efforts. Nous avons été malheureux dans la seconde opération qui consistait à emmener les canons. Je pourrais accuser celui-ci ou celui-là ; je ne le ferai pas, bien qu'on ait souvent moins d'égards pour moi. Je ne dirai pas à quoi a tenu la faute commise, si toutefois il y a eu faute.
Les positions furent donc occupées ; mais les mesures prises pour enlever les canons ne réussirent pas aussi bien que l'attaque. Je dois dire, car je veux être juste, que quand même on aurait pris les meilleures dispositions pour emmener les canons, traverser Paris avec 250 attelage, puisqu'il y avait 250 bouches à feu à traîner, était une opération des plus difficiles et des plus chanceuses.
Quand les troupes furent établies sur les hauteurs, la foule, composée d'hommes, de femmes et d'enfants, qui ne valaient pas beaucoup mieux que ceux qui les amenaient, la foule entoura les troupes, se jeta dans les rangs de l'artillerie, et bientôt ce fut un chaos sans pareil.



Vinoy ne mentionne pas les attelages dans l'Enquête parlementaire (alors qu'il devrait être le premier interrogé)
Il se justifie à ce propos dans son livre, p215-219
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k362713/f217
Même logique que dans la déposition de Thiers (peut-être pour cela qu'il n'a rien dit à la commission) : de toute façon, dans l'absolu, ce n'était pas possible. 
Ce prétexte que la tâche était considérable est absurde, rendant d'autant plus incompréhensible l'absence totale d'attelages. 




L'abandon de Paris.


- l'armée
- les forts
- la préfecture.
- l'Hôtel de Ville
- les services publics


Dès la veille au moins

T2 p11 fin 2e colonne, Thiers. pré 18

On comprend qu'alors on put déjà se dire que si on ne réussissait pas, il faudrait sortir de Paris, mais qu'auparavant il fallait tenter le combat et chercher à enlever les canons à tout prix. Nous étions à l'un de ces jours où il faut tout risquer, où il faut marcher en avant, coûte que coûte.
Le général Vinoy, que je consultai, me répondit : " Nous avons bien peu de monde. Enlever les positions, n'est pas impossible. Ordonnez, je suis soldat et j'obéirai.Nous délibérâmes en conseil. J'avais le sentiment que c'était une résolution redoutable que nous prenions, et dont le succès était douteux. Mais enfin, ne pas tenter quelque chose était impossible.

(/fait croire que le petit matin est son idée)


Le matin

Le Flô p81, [évoquant l'ordre demandé par Vinoy d'évacuer l'Hôtel de Ville le 18 mars au soir]

    Un membre. — M. Thiers partageait votre avis?
    M. le général Le Flô. — Il avait exprimé la même opinion le matin même, mais à ce moment-là il était parti.



à midi.

Thiers p12 

J'étais à l'état-major avec le général Vinoy, quand arriva un premier officier nous annonçant que tout allait bien. Mais, plus tard, d'autres officiers nous arrivèrent fort tristes, et nous sentîmes que la situation devenait embarrassante. C'est alors que je fus frappé d'un souvenir, le souvenir du 24 février. J'étais depuis fort longtemps fixé sur ce point, que, si nous n'étions pas en force dans Paris, il ne fallait pas y rester.
Au 24 février, le roi m'avait demandé, lorsque les choses avaient pris une mauvaise tournure, ce qu'il y avait à faire. Je lui répondis qu'il fallait sortir de Paris, pour y rentrer avec le maréchal Bugeaud et cinquante mille hommes.
Le parti que je proposais au roi fut discuté, mais point accepté. On rappela que les Bourbons, que les Bonaparte eux-mêmes étaient sortis de Paris et n'avaient jamais pu y rentrer; et on en avait conclu qu'il ne fallait jamais en sortir.
Ce souvenir m'était resté dans la mémoire; et, en outre, je me rappelais l'exemple du maréchal de Windischgraetz, qui, après être sorti de Vienne, y était rentré victorieusement quelque temps après. Je dis au général Vinoy : « Il est clair que nos troupes vont être submergées dans cette foule. Emmener les canons, est impossible, les mouvements de l'armée étant aussi entravés qu'ils le sont. Tirons nos troupes du chaos où elles sont plongées, et faites-les revenir vers le ministère des affaires étrangères.» Le Gouvernement était réuni en ce moment à l'hôtel de ce ministère. Beaucoup de personnes étaient accourues, et chacune donnait son avis.
Je réunis mes collègues dans la salle du conseil, où nous pûmes délibérer seuls avec nous-mêmes.
Là, je n'hésitai point, je me rappelais le 24 février, mon parti était pris; je l'annonçai. Cette déclaration provoqua de graves objections. Le 24 février je n'avais pas pu réussir; mais, ce jour-là, je triomphai des objections, grâce au bon sens et au courage de mes collègues.
Le général Vinoy me dit : « Je suis soldat, commandez! — Faites, lui dis-je, retirer vos troupes derrière la Seine, et occuper tous les ponts. On ne passera pas la Seine devant vous.» —
Il était midi, nous étions là depuis cinq heures du matin; le temps s'écoulait. Je réitérai au général Vinoy l'ordre de se replier avec ses troupes derrière la Seine.


Thiers a utilisé le subterfuge des attelages pour en arriver à une « 24 février 1848 avec Bugeaud » (ou Vienne 48).

Son mensonge parsemé de sous-entendus est que le 18 mars à midi serait similaire à février 1848.

L'objectif de Thiers n'est pas la retraite dans un sens défensif, mais une retraite déclenchant une guerre totale, un deuxième siège de Paris, avec, contrairement aux Allemands, l’intention de rentrer et massacrer.

Il en rêvait depuis février 1848. Devenu chef de l’exécutif en février 1871, il le fait (envers une population exsangue du siège de l’hiver 1870-171)




Pothuau évacuation

[511]

M. le Vice-Amiral (Pothuau) [...] C'est alors que fut prise la résolution si importante de l'évacuation de Paris. L'honneur de cette résolution appartient tout entière à M. Thiers ; il fut excessivement net sur ce point, et nous dit : — «Eh bien, puisqu'il en est ainsi il n'y a pas à hésiter, il faut évacuer Paris complètement. » — Il semblait pénible à plusieurs d'entre nous d'adhérer à une proposition aussi radicale; on se demandait s'il ne serait pas possible de tenter de résister â l'Hôtel-deVille et sur certains autres points occupés encore par nos troupes.
M. Thiers, envisageant la question autrement nous dit : «Non, Messieurs, il est évident que les troupes ne tiendraient pas plus àl'Hotel-de-Ville qu'ailleurs; disséminés, nous les perdrons toutes les unes après les autres. Ce serait un découragement général et ce n'est pas en agissant ainsi, que nous relèverons la situation. Il n'y a qu'une résolution radicale qui puisse sauver le pays; il faut évacuer Paris, mais l'évacuer complètement et immédiatement. »
Les événements postérieurs ont démontré qu'il avait raison.
On donna donc l'ordre de la retraite; mais ce ne fut guère que dans la nuit que les dernières troupes quittèrent l'Ecole Militaire et se replièrent sur Versailles.
M. le Président. — A quelle heure eut lieu le Conseil des ministres dans lequel cette résolution fut prise ?
M. le Vice-Amiral. — Le Conseil est resté en permanence toute la journée,
M. le Président. — A quelle heure M. Thiers est-il parti ?
M. !e Vice-amiral. —Vers la fin de l'après midi.
M. le Président. — Vers trois ou quatre heures. A ce moment-là résolution était-elle prise ?
M. le Vice-amiral. — Oui. M. le Président.
M. le Président. - Et cependant tous avez eu une réunion après son départ dans laquelle vous avez témoigné la plus grande répugnance à quitter Paris, et vous n'avez cédé que devant l'ordre formel que le général Le Flô avait donné à l'armée. ll est sorti en disant: — Je fais évacuer Paris, restez ici si vous voulez!— Alors M. Jules Favre, M. Picard et vous, vous avez été obligés de sortir de Paris puisque l'armée en sortait. Y avait-il une résolution parfaitement arrêtée à trois heures et demie?
Le général Le Flô a déclaré que l'ordre d'évacuer Paris venait de lui et qu'il prenait la responsabilité de cet ordre.
M. le Vice-Amiral.— C'est M. Thiers qui a donné cet ordre et cette résolution a été adoptée par le conseil. Nous avons été d'avis d'évacuer Paris ; il y a eu sur un seul point une divergence d'opinion; quelques-uns d'entre nous auraient voulu que tout en évacuant Paris, on y conservait une position : l'Ecole militaire ou le bois de Boulogne ou encore un point intermédiaire entre Paris et Versailles. Mais c'était une question de détail ; la question principale, celle de l'évacuation, a été résolue en conseil, bien qu'il nous en coûtait à tous d'abandonner Paris à lui-même.
M. le Président. — Ainsi, avant le départ de M. Thiers la question d'évacuation était vidée ?
M. le Vice-Amiral.— Assurément, sauf quelques divergences de détail, la question d'évacuation avait été décidée en conseil, et encore une fois, l'initiative en était due à M. Thiers qui avait déclaré de la manière la plus formelle, qu'il n'y avait pas à hésiter et qu'il fallait évacuer. Ce n'est qu'alors que le général Le Flô donna des ordres en conséquence.


La déposition de Vinoy se trouve dans le chapitre suivant, car l'abandon de Paris est relié à l'abandon des forts.



L'abandon des Forts


Décision prise très tôt.

La chose est tournée « Thiers rassemble les meilleurs forces à Versailles, dont Daudel ». Mais cela n'obligeait absolument pas à abandonner les forts.

Acte radical (inimaginable pour le Flô), élément de préméditation.


Le Flô

84

M. le Président. — les procès-verbaux de la commission des Quinze constatent que les forts ont été évacués par ordre du gouvernement.
M. le général Le Flô. (ministre de la guerre) — Je dois dire même que les forts ont été évacués à mon insu, et ce n'est que cinq ou six jours après que j'en ai été informé ; il ne m'avait pas traversé le cerveau que cela pût se faire ; par l'ordre de qui cette évacuation a-t-elle eu lieu? Je n'en sais rien.


Vinoy

séance du 21 juillet 1871

https://archive.org/details/enquteparlement02marsgoog/page/n106/mode/2up

Le 11 mars. La brigade Daudel [113e et 114e de ligne) va occuper les forts du sud évacués par les Prussiens, mais les troupes allemandes ne quittent pas encore Versailles.

97

M. Thiers part pour Versailles, entre trois et quatre heures, sous la protection de l'escorte du commandant en chef, commandée par M. Goëbb, lieutenant. Avant son départ, il prescrit de donner l'ordre de faire rallier à Versailles toutes les troupes et d'y envoyer, de suite, la brigade Daudel qui occupe les forts du sud. Il réitère cet ordre, par écrit, au crayon , en passant au pont de Sèvres, et le remet à M. Goëbb, pour le porter au commandant en chef. C'est sur cet ordre que les forts du sud ont été évacués.

99

Il fut question alors de s'en aller à Versailles. Mais on ne pouvait s'en aller ainsi sans réunir les troupes. M. Thiers partit, je crois, à trois heures et demie ou quatre heures,(…) Mais avant de partir, il me donna l'ordre d'évacuer Paris et surtout de lui envoyer la brigade Daudel qui occupait tous les forts du sud et même le Mont-Valérien et Courbevoie. Il jugeait important d'avoir à Versailles cette brigade, qui était celle sur laquelle on pouvait le plus compter.
M. le Président. «- Ainsi , on évacuait tous les forts ?
M. le générai Vinoy. - Oui, M. le Président, c'était la brigade Daudel qui les occupait, et M. Thiers voulait l'avoir à Versailles, parce que je lui avais dit que c'était ce que j'avais de mieux. Elle n'avait pas été en contact avec Paris.
Je donnai donc l'ordre à la brigade Daudel de quitter les forts.

102

M. le Président. — Cet ordre était donc le résultat d'une décision prise en conseil ?
M. le général Vinoy. — J'ai entendu M. Thiers dire qu'il n'y avait qu'à se retirer.
M. le Président. — Et à évacuer les forts?
M. le général Vinoy .--C'est lui qui a donné l'ordre. Il y avait le 102e et le 114e sur lesquels je comptais; il m'a donné l'ordre de les envoyer à Versailles. Le mouvement d'évacuation des forts a commencé par l'évacuation de Paris.
M. le Président. — Il y a un point sur lequel votre déposition n'est pas d'accord avec celle du général Le Flô. Il a déclaré qu'il n'avait pas connu l'évacuation des forts.
M. le général Vinoy. — L'ordre d'évacuer les forts m'a été donné par M. Thiers.



(,,,) 99-100

Maintenant, on a parlé du Mont-Valérien. Voici ce qui s'est passé. Le général Daudel avait fait évacuer ses troupes à lui, mais il y avait au Mont- Valérien deux bataillons de chasseurs, le 21e et le 23e Ces deux bataillons étaient mauvais, je les avais fait sortir de Paris par punition et ils devaient aller en Algérie.
A mon arrivée à Versailles, j'appris que le. Mont-Valérien était évacué par le général Daudel. J'écrivis alors à M. Thiers, et je lui expliquai qu'il était impossible d'abandonner cette forteresse, je lui dis que les deux bataillons qui s'y trouvaient devant la quitter le lendemain, je lui demandais de la faire réoccuper.
Un Membre. — Quel jour? (...)
M. le général Vinoy. - C'est nécessairement quand je me suis aperçu que le général Daudel avait fait évacuer le Mont-Valérien, comme tous les autres forts, par le bataillon qui s'y trouvait, que j'ai pensé à le faire réoccuper.
M. le Président. — Nous étions tous ici dimanche 19 mars dans une des salles du palais située au rez-de-chaussée. M. le président du conseil nous racontait pourquoi il avait évacué Paris. Nous avons insisté pour qu'il n'évacuât pas les forts et surtout le Mont-Valérien. Il ne s'est pas rendu à nos instances. Le soir plusieurs membres sont retournés à la préfecture.
Un membre. — Je ne le savais pas.
M. le Président. — Il était environ neuf heures du soir. On a supplié M. le président du conseil de ne pas ordonner l'évacuation des forts. — Le général Vinoy est intervenu, fort heureusement, vers une heure du matin, et avec son autorité militaire, il a décidé M. le président du conseil à faire ce que les députés n'avaient pas obtenu.
M. le général Vinoy. Je lui ai écrit d*abord, et je lui répétai de vive voix ce que je lui avais écrit, c'est qu'il était impossible que nous restassions à Versailles sans la possession du Mont-Valérien.
C'est le 19 que je me suis aperçu de cet abandon. J'allai trouver M. Thiers à une heure du matin, je lui fis annoncer ma présence , je lui fis dire que j'attendais sa réponse, et que même je désirais le voir. M. Thiers me reçut au lit ; Madame Thiers venait de lui lire ma lettre. J'eus une explication avec lui. II me dit :" Mais quelles troupes mettez-vous au Mont-Valérien? " Je lui répondis : "Vous savez bien que je vous ai envoyé à Versailles le 119e de ligne pour nettoyer et approprier la ville, que vous m'avez dit être dans un état déplorable; le 119e est bien commandé. C'est ce régiment qu'il faut envoyer au Mont-Valérien, et il faut que je l'y envoie tout de suite parce que les deux bataillons de chasseurs doivent partir à sept heures du matin.» M. Thiers se décida à signer l'ordre que je demandais. J'allai trouver le colonel qui commandait le 119e, et je lui dis : « Où sont vos hommes? — Ils sont éparpillés un peu partout. — Il faut m'en trouver au moins trois cents.
Je fus prendre un escadron de cavalerie, l'artillerie. J'écrivis un mot au colonel qui com- mandait le Mont-Valérien, et j'acheminai mes troupes vers la forteresse.
Un membre. — A quel moment?
M. le général Vinoy. — Dans la nuit du dimanche au lundi , parce que les deux bataillons de chasseurs devaient partir à sept heures du matin. J'avais fait dire au commandant du fort de ne pas les laisser sortir, avant qu'il aperçût la tête de colonne des troupes que j'envoyais.
L'ordre fut exécuté. Le détachement arriva avant que les chasseurs no fussent partis.
M. Martial Delpit. — Me serait-il permis de demander au général l’heure précise à laquelle l'ordre d'évacuer les forts a été donné ?
M. le général Vinoy. — Cet ordre a été donné à peu prés vers trois heures.
M. Martial Delpit — Le 18.
M. le général Vinoy. — Par conséquent, une heure avant le départ de M. Thiers. M. Thiers a été accompagné par l'officier qui commandait mon escorte, M. Gaitte, jusqu'à Sèvres.
Dès le soir, une forte colonne de garde nationale fédérée, venant de Paris, se présenta devant le Mont-Valérien pour le sommer de se rendre; elle se retira bientôt devant la réponse énergique du commandant du fort.

101

M. le Président. — Est-ce à l'Ecole militaire que l'ordre a été donné?
M. le général vinoy. — Non, c'est M. Thiers qui a donné l'ordre.
M. le Président. — Un billet a été remis, en effet, à Sèvres par M. le Président du conseil à votre aide-de-camp. Avant de passer le pont de lèvres, U, Thiers vous a recommandé de ne pas oublier la brigade Daudel, qui occupait les forts et de l'envoyer â Versailles.
M. Thiers est sorti du ministère des affaires étrangères vers trois heures et demie, il est revenu à Versailles par le Point-du-Jour. Avant de partir, vous avait-il donné cet ordre?
M le général vinoy. — Oui.


/voir 18mars-ferry pour l'abandon de l'Hôtel de Ville. 

? Pour l'abandon de la Prefecture. (Valentin n'est pas questionné par la commission d'enquête.)


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jo versailles 21, seance du 20


l'abandon de Paris - Tirard devant l'assemblée

Tirard (div51). Maire du 2e arrondissement. Chef de file des républicains conservateurs hostiles à l'abandon de Paris. S'il y avait véritablement eu une insurrection, Tirard aurait été du côté de la répression, mais c'est un déclenchement de guerre civile par Thiers en quittant Paris, et Tirard est à contre courant.

C'est l'un des rares à s'opposer activement au plan de Thiers. Il est protagoniste jusqu'à la première session de la Commune en tant qu'élu, mais son opposition concerne davantage les tout premiers instants.


Le 20 mars (lundi, premier jour de l'assemblée prévue à Versailles), son intervention est violemment attaquée.

​https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2093193s/f4.item

jo du 21 mars 4e page milieu 1ere colonne.

M. Tirard. (...)Paris a été livré à lui-même, le Gouvernement l'a abandonné il y a deux jours (Vives réclamations)
M. Thiers, chef du pouvoir exécutif. Ce n'est pas vrai !
(...) Tirard se fait malmener/intimider



//différence entre les discours prétendant au service de l'Ordre par Thiers, et la situation de chaos sans précédent qu'il a généré dans Paris en faisant abandonner les services publics.





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